"Cris"
Ne dis rien.
Mets une main sur le tableau et l’autre sur ton cœur,
écoute et ne dis rien.
Fixe tes pieds dans le sol, car les hurlements pourraient te faire pencher,
et écoute les voix qui jaillissent des gorges fendues,
des squelettes des voyageurs dans les processions de la mort.
Cette mort qui s’étire sur les sofas et les oreillers,
des sofas étranglés par un gaz jaunâtre,
un gaz qui allonge ses bras vers la terre,
et que des familles de cactus recrachent,
en étendant leurs racines encore plus profondément dans le sol.
Le cactus possède lui aussi un œil criant d’effroi,
et un cœur qui écoute attentivement les voix des morts.
Mets ta main sur le cœur du cactus et tends l’oreille comme lui,
tu entendras ses histoires sur la peur et la douleur, sur la déception et la distorsion,
sur les cauchemars et l’amour, sur le fil d’espoir qui s’étire à bout de souffle depuis les profondeurs
des ruines, fendant une obscurité d’une noirceur illusoire.
Là où le cactus tend sa main pour saisir la tienne pour t’attirer vers lui,
tu verras ton cœur au centre de la toile,
encerclé de ses aiguilles craintives.
Tu te demandes alors comment tu vas arrêter l’hémorragie en voyant ce que tu vois et en entendant
ce que tu entends?
Ecoute bien.
La couleur possède une voix perçante elle aussi,
un jaune déraillé,
un rouge insolent,
un gris doux,
un marron rude,
seul le noir s’élève au-dessus des hurlements,
il raconte son histoire à voix basse qui abîme ton cœur au point de te devenir méconnaissable,
Prends garde, essaie de t’éloigner de la toile, d’en extirper ton cœur, de t’extraire de ses griffes,
sinon tu resteras là-bas, comme moi, accroché éternellement,
essayant de trouver ce fil ténu qui sépare ta réalité de l’imagination enflammée, farouche et rebelle.
Texte écrit par la poétesse Rasha OMRAN
Traduction de Racha ABAZIED
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