Née en 1981, Nagham Hodaifa engage une carrière artistique depuis son plus jeune âge. Elle réalise sa première exposition personnelle à 16 ans, à Swaida al-Kafer, sa ville natale, en Syrie, et depuis elle n’a jamais arrêté de peindre et d’approfondir son art.
Diplômée de la Faculté des Beaux-Arts à l’Université de Damas et d’un DEA de la même école, département peinture en 2003, elle part munie d’une bourse d’étude en 2005 pour la France. Elle entame alors un cursus en Histoire de l’art à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. En 2015, elle soutient une thèse de doctorat, qu’elle remanie, abrège et publie sous le titre de "Marwan, face à face" chez Peter Lang (International Academic Publishers), collection « Middle East, Social and Cultural Studies », en 2018.
Ce travail de recherche à travers la problématique du visage dans l’œuvre de Marwan (une figure majeure de la peinture du monde arabe et une référence dans l’histoire de l’art berlinois) permet à Nagham d’approfondir les thèmes qui infusent |
sa propre pratique artistique. Durant ses longues années de recherche, elle continue à pratiquer son art ; elle expose régulièrement et conçoit plusieurs performances et spectacles vivants pluridisciplinaires.
Les polyptyques de grands formats oblongs, qui apparaissent comme une oscillation entre figuration et abstraction, règnent depuis ses premières œuvres. Le point de départ est l’atelier. Lieu lyrique, paysager qui se transforme en paysage. Ce recours au paysagisme l’accompagne dans ses thématiques futures. Inné, intime, ceci renvoie directement à ses premiers souvenirs d’enfance.
Du visage au corps, aux pieds et aux mains, au miroir et au gant, des rouges charnels aux verts et bleus du paysage en passant par les voiles blancs et les transparences de la chemise de nuit ; du minuscule au monumental, de l’intime au spectaculaire, pour Nagham Hodaifa, la peinture est un corps dansé, nouant chorégraphie et calligraphie. Adepte de l’interdisciplinarité en art, elle s’entoure le plus souvent, lors de ses peintures performances, de musiciens, de danseurs, de poètes, de chanteurs ou de vidéastes…
Aujourd’hui elle mène une double carrière de peintre et de chercheuse. Elle participe à de nombreuses grandes expositions et conçoit des performances dans plusieurs institutions et galeries comme l’Institut du Monde Arabe (Paris), Middle East Institute (Washington D.C.), IV Bienal del Sur, Pueblos en Resistencia (Caracas), Festival OVNi. Objectif Vidéo Nice (Nice), Atassi Foundation (Dubaï) …
Pour Nagham, la peinture à partir de la matière brute est une nécessité et le savoir de l’alchimie du métier est la base de son art. Elle vit et travaille à Paris depuis 2005. |
Méditerranée ... fin de tout espoir
Dédié à celles et ceux dont le rêve a pris fin en mer
Au milieu de l’azur et du fond marin magique et mystérieux, il ne reste que des chemises, quelques gants, des drapés... Le corps a disparu, en symbiose avec la mer.
Le projet Méditerranée est né de la contemplation de la mer durant mon séjour niçois l’année dernière. Je n’arrivais pas à oublier la noirceur que cette mer a connue ces dix dernières années. Selon le projet de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) le nombre de décès et disparus dans la Méditerranée dépasse 23 360 depuis 2014. Beaucoup ont péri en mer sans laisser de traces. C’est un hommage que je dédie à tous ceux-là, ainsi qu'à celles et ceux qui ont péri dans la Manche, et en remontant dans le temps, en Atlantique, aux victimes de 1929-1936 (Espagne, États-Unis), de l'exode de 1940 (débâcle) et aux boats-people... À tout homme, toute femme qui a perdu sa vie à cause de son déplacement. La migration remonte dans l'immémorial, elle est intimement liée à l'histoire de l'humanité.
Un immigrant n'a commis aucune faute sinon d’être né en un lieu que les circonstances l'ont obligé à quitter à la recherche d'une vie meilleure. N'importe qui peut être à sa place. Il est nécessaire de regarder en face cette tragédie et qui malheureusement continue. Toute civilisation se mesure à la façon de traiter les morts.
C’est une question de dignité de notre condition humaine, un sens à donner à notre commune présence sur terre par-delà les frontières.
** Le projet a obtenu le soutien d'Ettijahat - Independent Culture & Goethe-Institut. |