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Peintre de la refiguration (Serge Labégorre)

Peintre d’exigence, Christophe Blanc n’obéit qu’à ses propres injonctions. Elles l’ont amené à un total contre-courant des modes esthétiques dominantes ou des diktats de l’institution. Il pose un regard réaliste sur ses contemporains, il en fore la figure jusqu’au plus profond.

Cézanne a fondé la peinture moderne en trois mots clefs : « Pénétrer ce qu’il y a devant. ». Le XXème siècle y a ajouté un volet capital : Pénétrer ce qu’il y a dedans.

Ce qui implique une double démarche : enregistrer les apparences dans l’immédiateté, celle de la sensation, puis les revisiter par la mémoire. C’est elle qui va créer le surcroit d’approfondissement du réel et laisser ses signes, ses traces sur la toile comme autant de cicatrices. Cela n’anéantit en rien les apparences, mais au contraire les amplifie, les fait gagner en intensité pour aller quelquefois jusqu’au paroxysme de l’expressivité.

C’est la refiguration, elle va du fond de l’être au fond de soi.

Chaque créateur connaît sa propre vibration au monde, sa ligne mélodique de vie.
J’ai rencontré la peinture de Christophe Blanc en feuilletant la revue Azart. La reproduction d’une de ses œuvres a accroché mon regard, m’a sauté aux yeux parce qu’elle était criante de vérité et que je pouvais mettre ce mot au pluriel. Cette toile m’invitait à la lire de façon archéologique.

Il s’agissait de « L’homme nu », exhibé dans sa nature physique sur l’écrin d’un fauteuil et qu’entourait le vide.
Cette forte image, donnée là, soudain, d’un de mes semblables, tête haute, œil prégnant, chair corrodée, carcérée dans un tracé sans faille, éclairait aussi la part cachée de l’homme. Cet artifice qu’est la peinture devenait plus vivant que le réel.

Dans sa mystérieuse alchimie, sa complexité horlogère qui continuera de battre, ce choc visuel ne laisse rien échapper de ce qui sourd en nous, ou se distord en nous.

Puissant, concis et austère, ce tableau a pris place dans mon musée imaginaire, à côté de bien d’autres au sein desquels « le réel fulgure », ainsi que le disait Sartre.

Christophe Blanc, viscéralement lié à l’homme, référent unique, est de ceux qui nourrissent le regard et l’esprit.

Christophe Blanc : La peinture mémoire (Lucien Ruimy)

Ils sont là, vêtus de leur seule peau de peinture terreuse. Ils émergent de la toile comme s’ils venaient de sortir de la vase originelle. La peinture est dense, épaisse, travaillée en couches successives qui creusent et marquent la peau.

La texture de la peinture est par ses strates comme une archéologie de la mémoire. La mémoire de la peinture et la mémoire des personnages dont la peau garde les traces des coups de la vie.

Les personnages de Christophe Blanc sont des morceaux d’humanité, par leur présence ils nous questionnent sur ce que nous faisons de notre monde, de notre vie. Il va au plus profond de nous et d’eux-mêmes.

Il n’y a là aucun récit, ce qui apparaît, c’est l’être humain sans fioriture, ordinaire et porteur sur sa peau, son visage et son regard de toute son histoire en tant qu’individu mais aussi comme un fragment d’humanité. Ils nous font face, ne fuient pas notre regard, ils nous appellent à partager leur humanité

Seuls ou en groupe, assis dans des fauteuils fatigués, en chorale ou en beuverie c’est le regard plein de compassion, de tendresse ou d’ironie que porte Christophe sur lui et sur nous.

Christophe Blanc : Ou les bleus sublimes de la vie (C. Noorbergen)

Il y eut d’abord des personnages sans âges et sans allure, vêtus de pure peinture et comme nés d’une matière première minérale, massive, brutale, couverte d’une apparence pierreuse et moussue. Ambiguïté fusionnelle, archaïque et puissante, de l’art et de la chair. Nudité de la peau. Nudité du dedans. Bloc d’implacable nudité.
Débarrassé de toute anecdote, dépouillé de toute trame sociale, hors tout jeu et toute déduction, apparaît l’humain de souche, universel, anonyme et obsédant. A la fois rustique et maniéré, cet humain est notre contemporain. Innombrable et moche. Ordinaire et prochain.

L’homme Blanc est totalement décanté. Il fait sa demeure d’un fauteuil fatigué. Assis ou vautré, affalé ou dominant. Il toise, il regarde, il est observé. Il stagne. Il donne le change. Il attend la fin de l’attente. Il est sidérant d’immobilité. Le fauteuil a vécu, le fauteuil n’est plus en haut lieu. Plutôt en misère, il végète dans un grenier, ou une cave, ou en vague lieu clos. Loin des bienséances vitales.
Quand Christophe Blanc multiplie ses fauteuils abîmés, la salle de spectacle apparaît naturellement. Le monde extérieur est une salle de spectacle sans horizon, un peu glauque.
Ça ne quitte pas son siège, ça regarde sans fin. Ça consomme du visuel à n’en plus finir,sans doute à n’en plus vivre.

L’homme existe en série. Indéfinis sont ses doubles inutiles. Les paysages strictement humains sont presque effrayants d’être si ordinaires. Le peintre (car on nage en pleine et riche peinture)  impose au spectateur une dérangeante proximité. Nous sommes dans l’espace du fauteuil. On regarde des spectateurs en fauteuils qui regardent un homme en difficulté d’existence. Regard en abîme.
Cet homme là, artiste en spectacle, donne à voir sa vie difficile. Cet homme là, central, nu et fragile, « nourrit les autres ».

Christophe Blanc appelle cela qu’on voit répété dans ses peintures, le « dispositif ». quelque chose de terrible qui étreint l’être. Une insondable énigme hante les œuvres de l’artiste. Son registre chromatique est dense et se propage de peinture en peinture, de corps à corps.
Il y a un bloc humain sur le tas ouvert d’un siège sommaire. Pas de pathos, pas d’excès, mais une très dure tension.

L’être humain, totalement humain (?), est une masse minéralisée, tachée, entachée des bleus sublimes de la vie. La surface de la peau est marquée, tuméfiée. L’homme passe partout, écarté du nu féminin, interchangeable, est installé en position frontale.
«  J’accuse la perspective, j’accuse la masse des pieds de ces terriens ».

Christophe Blanc aime les matières assourdies, presque opaques, la profonde pénombre.Il peint la chair à vif, où s’enfouit l’affect, plutôt que la surface de la peau.

Et quand viennent les grands paysages où le corps s’infinit, la peinture se fait grande, majeure,intacte, inatteignable.

 

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>Christophe BLANC

Dérive des Rêves
Ouverture : lundi à vendredi : 16h30-19h30