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"Ombres" : Marietta Olivares
7 - 30 juillet, 2008

 

 

Ont écrit sur la peinture de Marietta Olivares :

 

 

17 Août 1997

Chère Marietta,

Depuis que vous m'avez demandé de porter la plume au papier pour parler de vos toiles, je m'inquiète de trouver les mots justes, des mots distincts qui transmettraient ce que je souhaite vous dire. C'est la raison de cet atermoiement. J'espérais que les mots « idoines » me viendraient. Fort heureusement j'ai compris que ça « n'irait pas ». Je ne peux vous offrir que les mots dont je dispose, ceux qui ont surgi devant vos toiles. Je suis désolée de ne pas réinventer la poudre. Et après tout, pourquoi pas ? Vous en serez juge. Hier, j'ai lu une citation de poète Wystan Hugh Auden : « Je n'ai qu'une voix pour déplier le mensonge plié », et je crois que je vais en faire ma devise existentielle. Il me semble que la linguistique est surtout l'instrument du mensonge, de la diversion et de la feinte, que je ne réalise que maintenant que sa plus grande tromperie est le mensonge à soi-même. Parler de vos peintures constitue une de mes premières tentatives à cette encontre. D'une certaine manière, j'ai le sentiment que nous essayons toutes deux de « déplier le mensonge plié ».

Deux réactions distinctes face à vos toiles : lors de ma première visite, pour votre exposition de thèse, j'ai été frappée par la cohésion de vos œuvres, un manifeste univoque, la présentation d'une personnalité artistique unifiée et harmonieuse. Un choc visuel puissant, mais vous le savez. Aucun étudiant ne finit l'Ecole du Corcoran sans connaître quelque peux le « pouvoir des murs » même s'il ne le pratique pas. J'ai également remarqué ce que j'ai baptisé dans mes notes l'élément « débraillé », très Corcoran, mais ce n'est pas uniquement cela : il s'agit du sentiment appuyé au Corcoran qu'il est acceptable, souhaitable même, de laisser les matériaux tels quels, effilochées et ébréchés dans une œuvre terminée. J'ai également été impressionnée par son poids, visuel et matériel, un nouvel attribut semble-t-il de votre peinture, qui lui donne un élément dramatique combatif et affirmatif. En voyant cette œuvre dans ce contexte (l'exposition), j'ai pu remonter à la trace l'évolution des formes alors que vous les extirpiez et que vous étudier leurs répercussions. (J'évite le terme « déconstruction » car ce que vous faites n'est pas exactement ce dont parlent les théoriciens, enfin selon moi). C'était en tout cas une performance éclatante, et j'ai d'ailleurs ressenti un pincement de fierté pour le cursus du Corcoran, car il m'a semblé que vous faisiez la démonstration éblouissante de la richesse du processus d'analyse de la forme, non seulement en tant que telle, mais également en tant q'exercice. Puisque nous avions parlé de la signification des formes, ma perception des choses est différente, avec le recul. Ce qui ne change pas mon opinion. Je persiste dans mes dernières annotations : « un sentiment d'éloquence des formes, disciplinées, érotiques, confiantes ». Je me suis également arrêtée sur la petite toile perpendiculaire au mur (composition n°8, selon mes notes) pour me demander si elle mettait le mieux en valeur la sensibilité ressentie dans les autres toiles. Maintenant que je connais mieux ce que vous explorez, je la comprends mieux. Je dirais toutefois qu'il s'agit d'une œuvre passagère, en chemin vers un lieu où vous ne savez pas encore que vous vous rendez, mais ces œuvres sont également nécessaires. Ce sont souvent les plus importantes (comme cette lettre l'est pour moi).

Lors de ma seconde visite (dans votre studio d'artiste) mes réactions ont procédé d'une nature profondément différente. Je me suis trouvée en situation émotionnelle déstabilisée, pas négative, mais très ouverte et vulnérable, et j'ai atteint une strate plus profonde et nettement plus déconcertante de votre peinture. J'ai tenté de le formuler au niveau théorique/conceptuel, mais c'est impossible, il va donc falloir que vous acceptiez une réponse brute : je présume que j'en suis encore troublée, car c'est inexplicable, peu ou prou, par la sémantique. J'ai ressenti, dans la plus part des toiles, une immersion aveugle dans l'inconscient, non discursif, même en peinture. A l'évidence c'est discursif en soi, c'est là l'un des autres merveilleux éléments de l'art visuel, impossibles à l'art linguistique. J'ai constaté, en rentrant chez moi ce jour-là, qu'il y avait quelque chose dans ces peintures qui m'absorbait en soi et qui résistait à ma démarche, et bien que je tentais de m'ouvrir au sentiment qu'elles provoquaient, en leur superposant l'iconographie que vous aviez décrite, l'illogisme persistait dans mon esprit, là où les réactions à l'art apparaissent. (N.B. : c'était avant que je ne lise votre thèse, et ses mots ne la relient toujours pas, pour moi, à vos peintures). Un processus s'était bel et bien enclenché, mais il était, comme T.S. Eliot l'a écrit « du domaine de l'indistinct ».

En lisant votre thèse, j'ai ressenti un certain inconfort, par rapport aux mots, je dirais même une irritation professionnelle. Les mots, après tout, sont l'univers que je suis censée maîtriser et je n'ai pas été plus à même de les saisir que les peintures. Je les ai trouvés vagues, trop abstraits, trop sentimentaux, totalement inutiles pour expliquer le côté poignant de la peinture. Maintenant (et pas avant) que j'écris, je réalise que vous avez fort bien réussi à décrire par métaphore le déroulement du signifié de vos tableaux, et par votre révélation, de leur réalisation. J'imagine tout à fait la résistance provoquée par votre thèse et sans doute par vos toiles. La plupart des gens, même du monde des arts ou devrais-je dire les timorés du monde des arts dont les universitaires (pratique et théorie) sont peut-être davantage aptes à faire partie, sont terrifiés de l'espace et de l'interaction à laquelle vous faites face. Il est déconcertant d'être plongé dans l'espace intra-psychique de l'Autre, et c'est une véritable réussite pour un artiste de donner cette possibilité au spectateur. Il vous faudra sans doute vous préparer à ce que nombre de personnes n'aient pas la force, ni le courage de l'affronter sereinement. En conséquence, elles réagissent tout à fait comme le groupe de Jones-Troyer, en donnant le sentiment d'être effrayés. Selon moi, c'est une réussite de peindre des toiles qui peuvent alarmer, mais sachez aussi que ça ne plaît pas à tout le monde !

J'ai tenté dans mes notations de trouver les termes pour exprimer le sentiment que provoque en moi votre maniement du corps a titre de source, de lieu, d'armature, mais aucun ne sonne juste. C'est peut-être parce que vous avez employé et employez le corps comme espace, comme expérience, davantage que comme fait, et vos métaphores visuelles sont, elles aussi, imprégnées de cette existence inconsciente, par laquelle les tentatives de précision sont non seulement impropres, mais encore saugrenues. Mes notes se révèlent inutiles, si ce n'est pour indiquer le trouble semé dans mon esprit. Par exemple : « Les formes sont si fréquemment répétées qu'elles perdent leurs liens originaux et se transforment en méditations ou en gestuelle destructrice en soi »(c'est logique, ça ?) Je conviens de la suite, toutefois : « Il y a quelque chose de très violent et l'élégiaque – une rage dissoute en constance dans la neutralité de l'analyse formelle. Que d'énergie et de passion –par trop réprimées par la forme sans doute, donc aussi périlleusement brutes que l'émotion ».

Je n'ai donc pas de « conclusions ». Je crois que votre réussite consiste à créer une analogie picturale de l'inconscient et, j'en témoigne, il s'agit d'un lieu malaisé (car peu familier) où se trouve consciemment, et c'est bien sûr ce qui arrive lorsque vous présentez une peinture et que le spectateur doit l'élucider. En tant que critique d'art, j'ai le sentiment d'être hors jeu. J'ignore totalement comment vous y avez réussi. Mais, c'est le sortilège de l'art. Parfois, les moyens sont manifestes, et l'œuvre reste puissante, mais lorsque les moyens – là, sous mes yeux – n'ont rien à voir avec l'impact de l'image sur moi, c'est extraordinaire. Si cela vous semble être une abdication de la responsabilité de critique d'art, s'en est une ! Je ne puis que vous dire ce que j'ai vu, ressenti et espérer qu'à quelques égards cela vous sera utile. Dans le cas contraire, et que je suis mortellement dans l'erreur au point que s'en est gênant, ce sera bien aussi (pour moi, pas pour vous, à l'évidence) et par chance ce n'est pas étalé dans les journaux où je me serais ridiculisée aux yeux de 90.000 lecteurs. Ces réponses vous viennent par le moins de quelqu'un qui a l'habitude de regarder des œuvres et d'y réfléchir.

Votre voie est toute tracée. Ces peintures – ainsi que l'(in)conscient sur lequel elles s'appuient – comportent tant d'éléments, que vous avez à faire pendant des années encore. A mon sens, vous ferez la spire des craintes et des désirs qui créent rideau de fumée que vous peignez avec tant de beauté a l'heure actuelle, pour saisir comment les mettre au jour. Je présume que c'est le processus que suivent tous les artistes (qui reflète tout à fait ma traversée), mais je ne l'avais jamais vu exprimée aussi éloquemment en peinture. Ces œuvres représentent un jalon remarquable, un lieu sûr, même s'il est indéfinissable, d'où l'on peut plonger dans les grands fonds de l'inconnu. Bonne chance, Marietta. Je vous souhaite la grâce, le courage et l'amour dont vous aurez besoin, que vous trouverez, je le sais, pour ce voyage.

Martha McWilliams

Former Academic Department Chair and Professor Art History - Corcoran College of Art and Design Et Membre de l'Association International des Critiques d'Art

 

 

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PEINDRE EN CORPS

Trois Corps en Trois

« La violence et l'amour ne sont pas plus éloignés l'un de l'autre que les deus ailes d'un grand oiseau multicolore et muet » Robert Musil

Le Nazaréen rencontrant dans une rue Marie-Madeleine lui dit : « tu te trompes de route, ma sœur ! » C'est vrai, lui répondit-elle, il n'y a personne sur cette route. »

Que faire de son corps pour assurer le salut ? Y renoncer.

Voilà une réponse connue et qui se décline en trois postures saintes dans l'occident chrétien : la virginité, le célibat, l'abstinence. Voilà ce qui est questionné et secoué par la peinture de MARIETTA OLIVARES dans un triptyque de force et d'énigme, d'opacité et de transparence.

Y aurait-il un corps naturel, venant virginalement de la nature et encore tout nimbé de l'innocence de son origine ? Y aurait-il un corps immaculé et pourtant vraiment corps ; c'est-à-dire corps désirant et corps souffrant, corps ouvert et déplié, corps offert tout autant qu'abandonné et traversé tout autant qu'habité ?

Voilà quelques questions préliminaires pour entendre quelque chose de la couleur et de l'anatomie de la peinture de MARIETTA OLIVARES.

Est-ce la trinité (fut-elle sainte) qui guidé de façon occulte les triptyques auxquels s'adonne parfois la peinture ? Le corps est-il capable de supporter tout écartèlement, toute division que trancherait en lui –sur lui- entre des fonctions, des aspirations, des perspectives, des intentions et des vertus, des organes et des origines des nostalgies ?

Voilà encore d'autres questions pour voir ce qu'on voit lorsqu'on se trouve devant le triptyque peint par MARIETTA OLIVARES.

On sait que Platon divise le corps de l'humain en trois parties, il « opère » sur le corps humain une territorialisation et découpe des localités : le nòus, le tumos, l'épitumia : l'esprit, le cœur, le bas-ventre. Trois parties qui disent des capacités et des fonctions : la tête c'est l'esprit ; le cœur c'est le courage (Rodrigue as-tu du cœur ?) le bas-ventre c'est la pulsion, c'est ce qui pousse à la vie, c'est la masse accumulée des instincts de la vitalité, c'est la violence lance-vie.

« Trois Corps en Trois » dans la peinture de MARIETTA OLIVARES où se lisent ensemble, où se lient, nature et sophistication, pulsion physique et coupure mentale c'est à dire censure. Ici, la physique, le physique, s'organisent et se distribuent, s'habillent et se répartissent de telle sorte, peut-être, que le corps se fait chair. Enfin.

Ce qui distingue le corps de la chair c'est qu'un corps peut-être déshabillé de sa peau tandis que la chair reste toujours vêtue de ses désirs et de ses fantasmes. Donc peinture du corps interrogé à partir du corps de la peinture.

Trois corps divisés et hétérogènes comme si nous n'étions jamais uniquement des corps simples et unis et rassemblés et originaires. Comme si la manière humaine d'avoir un corps était toujours manière d'avoir un corps multiple, ambigu, pluriel, séparé, décalé.

Dans ce triptyque les trois têtes de ces trois corps sont d'une autre matière, matière rajoutée, matière en plus ; comme une prothèse certes, mais une prothèse qui donne son sens et sa direction à l'ensemble. Ces têtes sont majuscules, elles font l'effet d'initiales majuscules dans le texte, sur le texte pictural qui suit et qui s'ensuit et qui se développe en dessous .

Les figures, les têtes, c'est–à-dire ce qui tient lieu de vissage sont au-dessus des corps comme des titres au-dessus d'un texte : un résumé, un écho, une évocation, une synthèse symbolique, un voile ; le titre dit tout et cache tout : le titre fait partie du livre mais il s'en extrait et réside sur la couverture ; il est le couvercle pour tout ce qui entre en ébullition. Donc, le voile, la gaze, la vapeur. Et le visage comme buée. On connaît la traduction revisitée de la deuxième phrase de « L'ECCLESIASTE » :

« Buée des buées, tout n'est que buée »

et, dans ce triptyque il y a des visages, mais sans yeux et sans lèvres, sans éminences ni ornement, donc des têtes absolues et vaporeuses et embuées : les vôtres.

« Trois Corps en Trois » avec trois coupures et trois soudures ; une coupure pour induire un rapprochement, une séparation pour suggérer le rassemblement. Ces coupures, ces scissions sont des ponctuations, des césures et des hiatus au milieu du corps ; à l'endroit de la coupure (sexus veut dire coupé, séparé) à l'endroit du sexe ; coupure à l'endroit de ce qui sépare et qui doit être séparé ; de ce dont on doit se séparer ; car comment être si on ne se sépare pas du sexe (de sa mère) ? Et comment avoir un sexe si on ne se sépare pas de l'autre sexe ? De l'Autre ?

Cette peinture raconte la coupure des corps, la coupure originaire et primordiale ; la coupure constitutive.

Une peinture pour montrer le fait du corps qui est fait de séparation, d'éloignement et de rapprochement, d'espacement, de distanciation, d'emprise et de perte, d'occupation et d'oubli. Faire corps serait donc être dispersion et écho.

Donc « Trois Corps en Trois » pour dire et montrer l'événement-corps, pour présenter cet événement d'avoir un corps avec une tête et un sexe et qui est corps de ne pas être que corps ; qui est esprit de ne pas être qu'esprit ; et qui est aussi sexe de ne pas être que sexe. Le sexe c'est la greffe de la tête sur le corps, la tête c'est la coupure du sexe dans le corps, le corps c'est l'articulation du sexe et de la tête.

Ainsi, dans la peinture de MARIETTA OLIVARES, ces longues formes triangulaires qui pointent leur pointe vers le bas, pointent le sexe en englobant poitrail et entrailles, ventre et centre, et c'est là que vient s'enraciner la tête qui émerge et plonge, surgit et s'enfouit. Est-ce que la tête habite le sexe ? ; est-ce que la tête investit le corps et le structure ? Comme les amputés, nous avons mal au membre fantôme, nous avons mal à ce qui n'existe plus.

Cette peinture de MARIETTA OLIVARES est la mise en forme d'une équation existentielle fondamentale qui établit le mystère d'une autre sainte trinité, plus réelle :

Le visage Le corps Le sexe

Voilà, ici, dans cette peinture, la violence, la brutalité inhérente au fait d'avoir un corps. Avoir un corps voilà qui est impensable. Voilà qui est seulement (peut-être) montrable ; objet de monstration ou monstruosité indémontrable. Quand nous disons : « avoir un corps » : à quelle distance parlons-nous ? De quelle extériorité ? De quel ailleurs ? La peinture de MARIETTA OLIVARES est une peinture pour dire l'ailleurs du corps.

Le corps, comment y résider, comment y avoir résidence ? Être un corps ou avoir un corps ? Être dans un corps comme un nomade sous sa tente, dans le désert ou bien. Ou bien avoir un corps de vierge ou de pute, c ‘est pareil, avoir un corps dont on peut se priver et qu'on peut abandonner. Vierge ou pute : être à personne et à tout le monde, c'est pareil, c'est corps lié, alors qu'il y faut un corps subtil, c'est à dire. délié.

Peindre en corps pour peindre encore.

BERNARD E. BENITA, Hermeneute, Paris – III - 1995

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 A Marietta

Au commencement, l'adjectif seul : c'est faire l'impasse sur le substantif, c'est lui laisser son vide, son creux, son empreinte .

C'est partir d'à coté pour maçonner une liste de mots, décalée, de minium ou de sang, de paroles d'eau et de prière nue , de sillon sans terre, de main, de pré ..... Et lui prêter (ou lui donner) une qualité, à ce creux peut-être, au mot multiple que l'on y coule, imprononçable, imprononcé. C'est faire le tour, passer derrière les noms, comme le trait contourne - au feminin - parce que c'est elle qui peint.

Elle peint le rouge plein de commencement. Petite mine de plomb et revient le rouge, qui cerne, qui entoure, qui forme, finit. «Qui retient ta couleur pour te livrer » dit-il.

Le rouge qui borne le corps sablier, celui qui lie le corps du haut et le corps du bas, presque inversible.

Ce corps s'ouvre comme des lèvres vers le ciel, s'échappe par la terre ou la prend.

Ce corps d'eau, parce que l'adjectif est là, au feminin, et porté au rouge du cri oublié (acquarella : nom féminin).

Le bleu, lui, semble épauler le rouge - le bleu dans le sillage du rouge sur la mer, pour donner une marge de manoeuvre à la frontière de ce corps, donner du mou à l'amarre du rouge, à coté de ton écho.

Et le jaune, contenu, dedans, et qui tourne ou traverse, comme le lui a dit le rouge, soumis.

Ce jaune qui éclaire, frôlant le rouge s'enflamme ; ce sable qui s'échappe, caressant, délivré, désert ouvert - jardin et palmeraie, à quel instant du temps ?

Rouge et bleu et jaune, qui confirment ton corps.

Marietta

Ignacio

Le oui de votre nom.

Vaincre un pétale de fleur

L'échelle maudite de la parole

JEAN-PIERRE SCHNEIDER

Paris, 22 - XII - 04

 

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DES MOTS, DES FORMES, DES COULEURS

J'ai eu le plaisir de rencontrer Marietta Olivares dans le contexte d'une maison d'édition. De notre rencontre s'en est suivi un livre de bibliophilie: Ligne de fuite où poèmes et formes d'une harmonieuse transparence se répondaient. Par la suite, ayant visité l'atelier de Marietta, j'ai remarqué sa fidélité à quelques-uns des thèmes qui lui sont chers. En premier lieu à des mots et plus précisément à trente-six mots qui lui furent offerts naguère par un ami. Ces mots, Marietta Olivares se les est appropriés, non pas comme on s'approprie un bien, mais pour les faire siens et les donner à voir sous forme d'œuvre artistique. De ces mots et de cet accompagnement pictural est né un livre: 36 mots , orné de poèmes d'Ignacio Bellido. Voilà donc qui prouve la constance de l'artiste envers la chose écrite et la poursuite d'un travail commencé il y a quelques années.

Mais il s'agit ici d'évoquer l'œuvre que présente Marietta Olivares et il est toujours difficile de mettre en mots ce que l'on contemple sans risquer de tomber dans les poncifs ou de faire erreur dans l'interprétation de ces mêmes œuvre. Je me risquerai à souligner que l'œuvre de Marietta est tout d'abord celle de l'unité et de la fidélité, comme je l'ai dit. Les mots sont certes le point de départ de ces œuvres, mais Marietta ne se soumet pas à eux, elle les entraîne au-delà de leur présence pour réaliser un véritable travail artistique . C'est ce travail réalisé en France qu'elle expose dans son pays et à propos duquel j'aimerais évoquer quelques impressions. Tout d'abord, ce qui attire le regard, c'est la transparence et l'unité. Transparence grâce à l'emploi de matériaux légers, comme la gaze qui permet à l'air de circuler, au souffle de traverser la matière, ensuite il faut se laisser entraîner par l'unité qui se dégage de ces œuvres, unité dans les formats et aussi dans la thématique, puisque ce sont toujours les mots qui constituent le guide préféré de Marietta Olivares, alors que la peinture s'affirme dans son

" insoutenable légèreté.

En effet, dans ces tableaux, les couleurs s'affrontent dans la douceur ou s'harmonisent par un glissement étudié de l'une à l'autre. Ainsi se constituent des séries,

telle celle où transparaissent les mots au centre de la couleur, mots amovibles mais à la présence nécessaire, non pas placés au hasard, mais répondant à une nécessité esthétique. Et que dire aussi de ces silhouettes féminines qui s'élèvent toujours dans la légèreté, prêtes à se détacher de la terre, à s'échapper de ce monde où elles se refusent à l'enracinement. Cette unité, ce goût pour les ensembles n'altèrent pas la singularité de ces œuvres. Ce qui frappe également chez Marietta Olivares c'est sa volonté de se soustraire à l'ombre pour accentuer la force de la lumière: chaque œuvre en porte témoignage. Cette lumière éclaire avec une tranquille douceur ces tableaux qui évoluent dans l'espacent et se détachent les uns des autres. Le regard du visiteur se pose certes sur l'ensemble, mais il saisit chaque tableau, en éprouve la beauté et finit par oublier la réalité qui l'entoure, celle de la matière, celle des mots. Il arrive alors à la fin du parcours comprenant que le sien ne fait que commencer puisque les images engrangées dans sa mémoire lui permettront de ne pas interrompre son voyage au pays des formes, des couleurs et du langage.

Max Alhau, Poète

Paris, Janvier 2006

 

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Tout a commencé hier, il y a quelques années

Le peintre marquait sur toile ou papier, son corps, traces premières comme quelques peintures pariétales, empreintes de son existence.

Sa psyché sans doute trop petite. Seul, tronqué, un cou gracile, fragile, s'élançait.

Puis des seins plantureux jusqu'un pubis pubère s'offraient, autoportraits, symboles d'une féminité qui souhaitait exister.

Puis ces corps s'affirmant se sont simplifiés, asexués, cou sur torse.

Devenus blocs ils se sont multipliés, emboîtés.

L'espace pictural investi, débordé jusqu'à l'étouffement, il fallu rapidement estomper, effacer, pour toujours exister.

Un corps sans tête a-t-il une âme ?

Un corps sans yeux peut-il voyager dans l'autre ?

Un corps sans bras, sans extrémités, peut-il toucher, sentir sans caresser ?

Préoccupations d'une artiste sensuelle qui plonge ses mains dans la matière.

Puis tout est arrivé par " Mal art " timbré, disque rouge-pigment, recouvert de 36 mots aujourd'hui usés, disparus d'être trop effleurés des mains, des yeux.

Mots cadeaux, l'offrande d'un être aimé.

Ces mots sont devenus ainsi le lien, la chaîne fragile reliant les corps, leur corps.

Deux torses, masses de chair, reliés par des mots. Alliance d'oppositions,

de contraires ou de trop de similitudes.

Esclaves de deux vies, s'éloignant retenues enchaînées par le fil ténu de mots en mots.

Psalmodiées de jours en nuits, portées musicales embuées de nostalgie dans la pâte-couleur, terre d'Espagne du peintre…

"Mes doigts caressent le vide, je cherche à lire en braille sur les grains de votre peau.

Je cherche le doux et le dur de vos membres disparus, pour n'entendre qu'une musique lancinante de mots maintes fois ressassés, répétés, messes rouges sacrifiées sur transparences, en empâtement sang séché,

matière-soleil"…

Errances sur tarlatane de deux corps séparés.

Rapsodie sérielle d'un passé révolu.

Puis le temps s'écoule, il lave et le peintre dilue à grande eau.

La cicatrice béante suinte encore son miel de sperme et de sang encollés.

Comment se débarrasser de ces mots, de cette musique trop lancinante ?

Le peintre a les moyens de se défendre, il connaît ses possibilités.

À coups de brosse il enduit, enfouit sous aplats.

De ses mains, il masque la trace, recouvre le son du mot prononcé, lettre après lettre, syllabe après syllabe pour qu'il étouffe sous couleurs couches épaisses.

Il le cache, le laisse à deviner, retourné comme on retourne la photo de l'être aimé trop vite envolé. Il drape d'un linceul blanc ces bêtes encore vivantes.

Marie Madeleine - Marie de Magdala - Marietta Olivares vit trop de fois ces mots ensevelis ressusciter, poursuivre sa vie, sa mémoire.

Aujourd'hui, de tout son corps, elle danse en la lumière une dernière farandole mortuaire, nous fait entendre un dernier requiem.

Pour nous offrir son journal, sa mémoire.

Résurgence d'un amour de peindre qui ne pourra à jamais s'achever.

Christian FORESTIER

Paris, janvier 2006

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Lors d'un récent voyage à Paris j'ai eu le plaisir de découvrir les derniers dessins et tableaux de Marietta Olivares.

Il y a quelques années Marietta était mon élève à l'université de Maryland. Elle m'avait déjà impressionné par son merveilleux sens des couleurs et du graphisme, mais je n'étais pas préparé à la puissance visuelle et à l'énergie émotionnelle dégagées par ses dernières œuvres.

J'ai été particulièrement frappé par sa maîtrise des techniques pour obtenir ces effets. Que ce soit dans ces formes à la fois organiques et mouvantes, des fins lavis ou encore dans ces énergiques lignes et ces figures emphatiques qui jouent les unes contre les autres.

J'ai beaucoup aimé ses travaux sur les séries. L'effet cumulatif de ces variations sur un même thème est très puissant et inoubliable.

Ces images sont encore profondément ancrées dans ma mémoire et je garde de souvenir du plaisir de découvrir, tableau après tableau, la diversité des déclinaisons sur un même thème tandis que je manipulais ces œuvres

Arthur Wheelock

Professeur en Histoire de l'Art, Université de Maryland

Conservateur Peintures Baroques Nordiques, National Gallery of Art, Washington DC - USA

Janvier 2007

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