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En 1981, quand la Pologne entre en état de guerre, Joanna Flatau entre au grand jeu de la peinture. Flatau peint en marge du temps réel. Elle travaille très vite afin de garder la fraîcheur du sentiment éprouvé, toujours en mouvement pour ne pas se pétrifier d’ennui ni pétrifier l’œuvre. L’ennui touche le cœur de son élan créateur. Elle peint pour le conjurer, et donne à voir son intimité secrète de peintre. Elleréclame le droit d’émouvoir, ses tableaux se terminent dans l’œil du regardeur. La figuration c’est l’infini des sujets, pour elle, l’enfer serait la diversité interdite. Suite d’émotions arrêtées. Instants graves figés dans la caresse de velours du pastel ou plongés dans la couleur, ils prennent une forme imprévisible. Après chaque tableau, Joanna tourne la page d’un livre avant qu’elle ne jaunisse. Sur le papier végétal, la tache d’encre noire se répand, la bête se retourne sur elle, une autre fuit, proches de l’onirisme d’Odilon Redon. Créatures questions, animaux fantastiques, créature propositions. Attendaient-elles, les bêtes rêvées, que la caresse du peintre les nomme, devine leur secret, leur redonne une dignité? Un trait noir cerne la bête et traque l’humain. Cependant la fluidité des genres fonctionne pour cette artiste éprise de liberté. Qui de la bête ? Qui de l’homme ? Dans les contes, les animaux humanisés sont donnés en pâture aux enfants. Qui dévorera l’autre ? P’tit loup à l’oeil vert en bouton de verre. La lisière reste poreuse. Les coups de pinceau libèrent les animaux. Par un jeu de va-et-vient, les corps se métamorphosent dans une urgence réciproque, des visages d’animaux et des têtes d’hommes se profilent. Un rouge fanfare, enthousiaste, appelle à communiquer, « Regardons-nous! » Un éclat de fête, un sourire de lumière dilatent les pupilles, les yeux de l’âme de son zoo énigmatique. Le crâne, vanité, annonce le Golgotha. Qui sont-ils ? Joanna les a croisés un jour, une nuit peut-être, prétextes à peindre le sacrifice, the Last Supper, la Cène. Dans la douceur sans limite d’un geste final toujours renouvelé, à jamais immuable, le noir pleure sur les visages comme un soleil couchant. La nuit avance, la vie s’écoule dans les coulures. L’agneau se tait, étonné d’être là, disponible, offert aux pleurs, il attend la révélation. Pénétrée de poésie visionnaire, Joanna Flatau peint l’inexplicable, le caprice opportun et déraisonnable. Mais ne nous trompons pas ! L’humour n’est pas loin.
Annick Chantrel Leluc * Titre d’une pièce de Ionesco |
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