Chaque tableau est le commencement d’un voyage sacré, Franck Duminil confie, « C’est bien de navigation qu’il s’agit ». Il part au large se frotter à la consistance  des couleurs, aux aubes hivernales. Ses voyages en peinture, sont tout ensemble porte ouverte sur l’infini et chemin familier, mystère et sécurité, silence et tonnerre.

Le peintre étale un blanc nacré, de paresseuses et brumeuses draperies envahissent et comblent la surface. Derrière s’étend le bleu réalité. Un trou noir nous entraîne comme dans une naissance. C’est le moment où le peintre et le regardeur partagent le voyage, cherchant un passage. La joie simple de l’enfant survient, l’artiste  prolonge letemps de l’étonnementbien au-delà des limites de cet âge.

Présences d’espaces duals, rouges latérite et bleus profonds. Dans un éclat de lumière, le pinceau écrase la pâte noire, grasse et charnue, étend le bleu indigo paré d’un jaune indiscret.

Matité. Brillance. Privilèges de la peinture à l’huile : donner de la profondeur et éveiller la matière. 

L’outil ouvre un sillon. La main du peintre organise un système de méridiens ébauchant dans leurs sillages des territoires inviolés, lestés de silence et de traces presque effacées de la mémoire de l’humanité. Entre la main et le pinceau ni écran ni distance. Le pinceau est la continuité de la vibration de la main.

Un trait ou une tache rouges vifs jaillissent comme le cri quand vient la vie. « La tache rouge c’est l’oasis dans le désert. Une simple touche éclot et l’orchestre se déchaîne », jubile Duminil. Il suffit d’un point rouge pour établir une liaison entre l’esprit et la matière, pour qu’une toile soit habitée, comme La Ronde de Nuit de Rembrandt. 

Dans pareille traversée, l’artiste n’est pas seul, il tente une aventure déjà tentée par beaucoup de peintres, Rembrandt, Goya, Turner et Monet… de poètes Rilke, Neruda… de musiciens, Bach, Mendelssohn… et tant d’autres ! « Ce qui est contemporain affirmeDuminil, c’est ce que nous voyons, ce que notre regard et notre émotion font vivre. J’ai le sentiment que les peintres du passé étaient comme moi devant la toile, avec les mêmes outils, dans la même recherche, celle de la Peinture ».

Chez Duminil, l’acte créateur ne se situe pas seulement vis-à-vis des hommes, l’artiste peint face à Dieu et à l’univers. Il rejoint la pensée de Teilhard de Chardin dans L’hymne de l’univers, intégrant le spirituel dans une réflexion - dans la nature tout est lié, l’univers extérieur rejoint l’univers intérieur, parcelles d’un Tout, nous sommes intégrés au cosmos.

Le pire ennemi de la peinture reste l’intellect aride. Seule la sensibilité a valeur de vérité. Sans s’écarter d’une ligne de conduite strictement picturale, Franck s’approche de l’expérience secrète des grands commencements. Alors la peinture devient passionnante.

A l’aune de la sensibilité de l’artiste, infiniment subtile et pourtant si puissante l’émotion circule entre des territoires poreux - eau, terre en fusion, ciel éthéré. « Quand je peins, je deviens peinture » murmure-t-il. Abstraction lyrique et poétique aux sonorités graves et sereines, la peinture de Franck Duminil, nous emmène effleurer le mystère, les pieds dans les étoiles !

Annick Chantrel Leluc
Mai 2009 et Février 2010